Dans notre série sur la chaine CFAO dentaire, nous avons vu le premier maillon : l’empreinte numérique. Nous allons découvrir aujourd’hui la seconde étape du processus, la CAO.
La CAO (conception assistée par ordinateur ) est un processus de création d’objets virtuels grâce à une représentation graphique. Tout comme le maillon numérisation, le maillon CAO comporte deux grandes étapes : une étape de post-traitement et une étape de conception proprement dite.
Nous verrons dans cet article le post traitement d’un point de vue numérique, puis la préparation coronaire et réglage des paramètres logiciel, étapes préalables à la conception, avant de détailler les étapes de la conception de la prothèse par CAO.
Les étapes de traitement du maillon numérisation et post- traitement du maillon CAO sont indissociables. En réalité c’est le post-traitement qui nous mène au maître-modèle virtuel qui s’affiche à l’écran après le scannage.
C’est enfaite un modèle géométrique numérique généré à partir de données géométriques discrètes (nuage de points) qui sont interpolées par un modèle numérique avec un maillage STL (Standard Tessalion Language) d’où le nom de l’extension du fichier .stl nécessaire à la conception de prothèses, d’orthèses, d’appareils d’interception et de guides chirurgicaux.
Les fichiers exportés des logiciels de CAO dentaire sont pour la plupart des fichiers au format STL.Ce type de modélisation polygonale STL, bien que plus approximative et au format plus lourd que la modélisation par courbes NURBS, présente de nombreux avantages :
1) Elle permet d’exploiter directement les données issues de la numérisation 3D. Le procédé de construction 3D du modèle numérique se fait également par triangulation du maillage de points et permet donc de s’affranchir d’une étape de conversion supplémentaire souvent fastidieuse.
2) Elle est suffisante pour la précision exigée dans la majorité des prothèses dentaires amovibles ou fixées scellées (attention, elle est insuffisante pour les prothèses supra-implantaires vissées).Ce post traitement précède l’étape de CAO, déterminée par un certain nombre de paramètres.
Le principe de conception en CFAO se base directement sur des règles métiers (odontologie). Celles-ci constituent une base de connaissance qui, liée au système CAO, permet de générer automatiquement la géométrie en 3D recherchée. On appelle cela Conception à base de connaissance ou knowledge based engineering.
En d’autres termes, les logiciels de CAO comportent une base de données d’entités de conception (prothèses) paramétrées.
Ces paramètres fonctionnels des couronnes dentaires sont de deux sortes : géométriques (morphologique) et technologiques.
– Les paramètres géométriques permettent de définir la morphologie de la prothèse (onlay, inlay, couronne à recouvrement total ou encore overlay ou chape -faux moignon) à partir d’une entité générique qu’est la forme de la dent naturelle.
– Les paramètres technologiques concernent l’épaisseur du matériau, l’espace nécessaire à la couche cosmétique ainsi que l’épaisseur du joint.
– Le premier point qu’il faut souligner au préalable est que l’empreinte optique doit être bien réalisée. En effet, la qualité de la conception dépend de la qualité de la numérisation.
– Le second point important est que la préparation coronaire doit être également bien effectuée. En effet, la dent naturelle préparée va recueillir la prothèse. Dans ce but, il faut respecter un certain nombre d’impératif, que nous citons ci-dessous :
La préparation se fait selon un axe ou une direction qui va devenir l’axe d’insertion. Il tient compte des dents adjacentes, antagonistes et du couloir prothétique. Il peut poser problème surtout quand la dent est délabrée (exposition pulpaire, manque d’ajustage et mauvaise transmission des contraintes occlusales).
C’est la zone de transition entre couronne préparée et racine non préparée. Elle doit être continue et facilement reconnaissable par le scanner.
Elle est définie par trois paramètres :
La rétention diminue si l’angle de dépouille augmente. Une dépouille globale de 6° des parois opposées est considérée comme la plus acceptable mécaniquement. Ceci permet une rétention optimale de la couronne mise en place. Avec l’avènement des principes de collage, les rétentions mécaniques et chimiques s’additionnent, l’angle recommandé passe alors à 12°.
Pour la prothèse céramique, il faut aménager un espace prothétique de 1,5 à 2 mm, pour favoriser la stabilité de la prothèse. Pour une prothèse métallique, cette épaisseur est de 1,2 à 1,5mm.
La rétention est proportionnelle à la hauteur de la préparation donc à la situation de la surface occlusale. Au niveau postérieur une réduction occlusale simple pas nécessairement homothétique est souhaitable pour assurer une lecture parfaite de la table occlusale.
Les déflexions des faces vestibulaires, palatines et linguales orientent les faces occlusales et les bords libres vers les antagonistes. Elles doivent préfigurer sur les préparations sans quoi l’épaisseur des matériaux ne peut pas être respectée.
Les irrégularités de surface de la dent préparée peuvent être interprétées de manière inadéquate par les scanners.
Il faut donc adoucir les bords trop prononcés, les angles vifs et les zones de transition trop marquées pour optimiser la précision de l’empreinte. Il faut également éviter de générer des contraintes dans l’intrados prothétique et risquer de fragiliser la céramique.
La phase de modélisation concerne les restaurations unitaires, à recouvrement total ou partiel et les restaurations plurales les plus complexes. Elle se fait à l’aide d’un logiciel de CAO constitué d’un noyau très mathématique sur lequel sont greffés des logiciels spécifiques à la dentisterie.
Une fois le maitre modèle virtuel à l’écran, certains paramètres sont définis par le logiciel :
Après numérisation du modèle de travail et du modèle antagoniste ou des deux arcades séparément puis en occlusion, le logiciel met les deux arcades en OIM (Occlusion Intercuspidation Maximale) par recalage automatique ou manuellement.
L’axe d’insertion est important lors de l’usinage car il faut tenir compte des limites imposées par la dimension des blocs pour orienter la construction envisagée. Il est proposé automatiquement et corrigé si besoin. Il est déterminé en visualisant en vue occlusale sur l’écran des zones de contre dépouilles grâce à un code couleur. Pour les prothèses plurales, l’indicateur de contre dépouilles sous forme de code couleur nous guide sur le meilleur axe à donner.
Le marquage de cette limite est une étape cruciale. On parle de ligne de finition corrigée. Si la limite est supra-gingivale ou juxta-gingivale, on peut avoir une proposition du logiciel. Une aide au traçage de la ligne peut également être proposé avec différents outils. La limite infra-gingivale n’est pas contre indiquée mais il faut qu’elle soit opto-lisible.
Une fois l’empreinte numérisée et recalée, les limites cervicales tracées et l’axe d’insertion déterminé, la CAO de la prothèse peut être réalisée.
Le mode de reconstruction peut faire appel à différents principes :
1.La base de données morphologiques : Elle consiste en une bibliothèque de formes pour une dent donnée. Différentes morphologies sont proposées qui peuvent aussi se décliner en fonction de l’âge du patient (morphologie commune /usure cuspidienne par abrasion différente).
2. Les propositions informatiques :
Entre autres le principe de reconstruction intelligente «Biogénérique» de Cerec pour les inlays,onlays mais qui a été étendu aux couronnes à recouvrement total avec le «Bio-jaw» est alors apparu. En effet, ce logiciel analyse en amont les valeurs anatomiques propres au patient par une lecture de points remarquables sur les dents adjacentes à la préparation. Cela donne une forme anatomique au plus proche des particularités morphologiques pour un patient donné, ce qui a contribué à perfectionner et faciliter la mise en œuvre de reconstitutions unitaires en CFAO directe.3.Les copies de dents préexistantes : Certains logiciels proposent de relever par empreinte optique une image de la dent à reconstruire avant sa préparation (Planmeca) ou encore de la dent controlatérale puis d’en faire une copie miroir.Après avoir choisi la morphologie globale, il faut procéder à l’ajustage par différents outils mis à disposition. Il est rare que la situation clinique soit idéale d’où la nécessité d’affiner manuellement la proposition CAO et de l’adapter à la situation.
La CAO doit être en adéquation avec les possibilités de fabrication des machines-outils et les impératifs mécaniques de la future prothèse. Ceci se fait à travers un code couleur. On peut visualiser les épaisseurs des matériaux de reconstruction et éventuellement l’espace laissé au cosmétique pour n’importe quel point par un jeu de transparence, des coupes dans différents plans, un code couleur ou encore des données chiffrées.
Grace à la palette d’outils mise à notre disposition, nous pouvons définir les convexités (maximum de bombé vestibulaires et linguaux) sur les faces axiales ainsi que les embrasures, la table occlusale et la forme des embrasures. Les profils des faces proximales et points de contact sont également définies à cette étape.
La limite cervicale est une zone déterminante dans le succès prothétique. Elle doit être lissée comme en prothèse conventionnelle pour harmoniser la zone de transition dent/prothèse.
La gestion de l’occlusion se réalise également à travers un code couleur. Les zones de contact apparaissent selon des couleurs différentes en fonction de leur intensité. Les outils permettent facilement de soustraire ou de rajouter du volume à la restauration jusqu’à obtenir les contacts idéaux en modifiant virtuellement la morphologie de la face occlusale.
Certains logiciels proposent des modules spéciaux pour la gestion de l’occlusion dynamique. En effet, les arcades ou portions d’arcades peuvent être montées sur un articulateur virtuel. Elles sont placées sur une table de montage virtuelle en utilisant les mêmes repères qu’avec une table conventionnelle.
La pente condylienne ainsi que les mouvements de Bennet peuvent être programmés selon le désir de l’opérateur.
IDEM pour les contacts proximaux qui consistent en une surface de contact et ne sont jamais ponctuels.
Deux types d’espacement sont définis :
L’un sur la zone axiale par analogie au die-spacer (vernis d’espacement) et l’autre au niveau de la limite à partir de la ligne de finition. Cet espacement dépend du matériau utilisé et de la technique d’assemblage choisie.
Un dernier contrôle de l’épaisseur des matériaux est réalisé juste avant de lancer l’usinage.
La CAO est une proposition géométrique faite par le logiciel à la modélisation de la dent préparée. Il faut donc comprendre que c’est la préparation qui doit s’adapter à la CAO et non l’inverse. Il faut également respecter le protocole de numérisation car une CAO optimisée passe par une empreinte optique réussie.
Une fois le modèle numérique de la prothèse validé, la fabrication est lancée. Nous verrons cela dans notre prochain article !
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