La perte dentaire s’accompagne d’une cicatrisation osseuse post-extractionnelle ou post traumatique qui induit un remodelage osseux.
Une résorption plus ou moins importante apparait selon l’étiologie de l’édentement et sa situation anatomique, se traduisant par une perte de volume de la crête aussi bien verticale que horizontale. Ces défauts osseux sont souvent découverts pendant l’étape de la planification implantaire.
La pose d’implant étant problématique, même avec la chirurgie guidée, dans le cas d’os d’une qualité et volume insuffisants, des techniques de reconstruction osseuse ont été mises en place telles que la greffe d’apposition, la greffe de sinus lift et la fameuse technique de Régénération Osseuse Guidée (ROG). L’avènement de cette technique a révolutionné l’implantologie car elle a rendu possible la pose d’implants dans des situations qui ne le permettaient pas avant.
Dans ce nouvel article nous allons nous intéresser à la technique de ROG. Nous commencerons par le principe biologique sur lequel elle est fondée, nous exposerons par la suite les différents biomatériaux utilisés en détail et les critères décisonnels en passant par les indications de cette technique.
La technique de la régénération tissulaire guidée (RTG) a vu le jour grâce à la théorie de compartiments des tissus : les cellules colonisent les surfaces selon le principe « premières arrivées, premières servies ». Cette théorie a permis la mise en place de barrières physiques pour le contrôle de la migration cellulaire (initialement par des filtres puis des membranes). La RTG regroupe toutes les techniques chirurgicales susceptibles de stimuler le recolonisation cellulaire sélective de la surface radiculaire nettoyée à partir de fibroblastes et d’autres cellules génitrices provenant du ligament parodontal adjacent à la plaie. Cela permet ainsi l’obtention d’une nouvelle attache dans une néoformation osseuse et cémentaire.
Le concept de ROG fondé sur les mêmes principes de la RTG a été mis en évidence pour la première fois par Murray et coll. en 1957 en isolant mécaniquement, à l’aide d’une cage en plastique, un défaut osseux créé dans un os. Après cicatrisation, l’intérieur de la cage a été totalement comblé par un os néoformé.
Se basant sur ce principe, Dahlin et coll., ont montré en 1989 qu’il était également possible de régénérer de l’os autour d’implants et recouvrir le tout d’une membrane en PTFE-e (Polytétrafluoroéthylène expansé) chez l’animal.
Le concept de régénération osseuse guidée repose donc sur certains principes biologiques :
Les indications de cette technique chirurgicale sont nombreuses. Elles varient des cas simples de défauts ponctuels de déhiscences et fenêstrations péri-implantaires et des défauts résiduels intra-osseux péri-implantaires aux défauts les plus importants. En effet, la ROG permet la gestion des sites d’implantation post-extractionnels et l’augmentation localisée de la crête osseuse atrophiée.
D’une manière générale, la ROG est indiquée dans la gestion de défauts osseux au niveau de futurs sites d’implantation empêchant la mise en place d’implants ou leur mise en place dans un axe qui est en adéquation avec le futur projet prothétique en terme d’esthétique et de fonction.
Certains auteurs, afin d’obtenir une régénération osseuse, utilisent une membrane seule, d’autres des substituts osseux seuls. Selon les dernières recommandations, l’utilisation de membrane seule pour la régénération osseuse en per-implantaire est indiquée dans le cas de petits défauts osseux qui ne dépassent pas les 3 mm. Pour la reconstitution de gros défauts préalablement à la pose d’implant, l’utilisation d’une membrane seule ne suffit pas à cause du risque d’effondrement de celle-ci et la disparition de l’espace cicatriciel qui représente l’environnement propice à la néoformation osseuse. Il faut donc combiner les deux biomatériaux en associant les avantages de chacun pour obtenir des résultats prévisibles, efficaces et surtout reproductibles.
La mise en place de barrières physiques sous forme de membranes est la base même de cette technique. Ces membranes doivent répondre à certains critères notamment, la biocompatibilité, l’intégration tissulaire, l’exclusion cellulaire, la facilité de manipulation, la prévention des complications et le maintien de l’espace cicatriciel.
Les membranes ont un triple rôle :
– Rôle mécanique : elles permettent de stabiliser la greffe osseuse et le caillot sanguin en place
– Rôle de barrière physique : elles empêchent la prolifération cellulaire et la colonisation du défaut osseux par les tissus mous conjonctifs et épithéliaux de la muqueuse de recouvrement et favorisent ainsi la migration des cellules à pouvoir ostéogénique d’envahir l’espace cicatriciel du site chirurgical évitant ainsi la compétition des deux populations.
– Rôle préventif : elles permettent de s’opposer à la résorption de la crête osseuse.
Il en existe deux grandes familles : les membranes résorbables et non résorbables.
Ce sont les premières membranes qui ont été utilisées en technique de ROG. Elles sont fabriquées en ePTFE ou polytétrafluoroéthylène expansé.
Elles ont prouvé leur efficacité car elles sont manipulées facilement et peuvent être aisément fixées à l’aide de vis spécifiques. Elles peuvent être également renforcées par une armature métallique en titane, ePTFE TR (Titane renforcées) afin d’augmenter leurs propriétés mécaniques, ce qui empêche ainsi l’affaissement du caillot sanguin que cette membrane doit protéger. Ces membranes permettent une expansion osseuse horizontale même sans l’utilisation de greffons dans les cas de déhiscence osseuse péri-implantaire.
En effet, selon une étude scientifique réalisée par Jovanovic en 1995, ces membranes renforcées ont permis un gain osseux moyen de 3,3 mm par rapport à 2,4 mm obtenus avec les membranes standard.
Ces membranes nécessitent un deuxième temps chirurgical pour leur dépose et sont rapidement colonisées par les bactéries lorsqu’elles sont accidentellement en contact avec la cavité buccale. Une étude réalisée en 2001 par Machtei a montré que l’exposition diminue de 6 fois le gain osseux. Il est donc vivement recommandé de surveiller fréquemment cette membrane pour prévenir toute exposition à la salive de la cavité buccale qui risque d’entraîner une infection du site régénéré et compromettre le succès de l’implantation.
La littérature scientifique montre des résultats plus ou moins favorables avec l’utilisation des membranes résorbables.
Le principal avantage est qu’elles simplifient la procédure chirurgicale en évitant au praticien une ré-intervention pour les retirer du site de régénération avec tous les risques de complications post-opératoires.
Les membranes résorbables sont en général plus difficiles à fixer et à suturer que celles non résorbables. Elles ne permettent pas de contrôler la durée de fonction de la membrane en tant que barrière et elles nécessitent le plus souvent un greffon osseux pour supporter celle-ci. Ces membranes résorbables utilisées pour la ROG sont de deux types : synthétiques et collagéniques
Les membranes synthétiques sont constituées de copolymères d’acide polylactique et polyglycolique c’est pourquoi elles se résorbent par hydrolyse. Exemples : Atrisorb®, Vicryl®, ResolutTM/Resolut XT…
Ces membranes ont de meilleures propriétés mécaniques et se résorbent plus lentement que celles en collagène.
Les membranes synthétiques comme la PLA (polylactic-acid) seraient responsables de réactions inflammatoires induites par les produits de dégradation de ces membranes synthétiques au niveau des tissus environnants. Cela induirait des résorptions et aurait des effets néfastes sur la qualité de la régénération osseuse.
Les membranes collagéniques ont été utilisées pour la première fois en 1996, elles sont d’origine bovine ou porcine avec des fibres réticulées ou non. Exemples : Avitene®, Paroguide®, Bio-Gide®, Periogen® BioMend®…
La membrane la plus documentée dans la littérature scientifique est la Bio-Gide et elle est souvent utilisée avec du Bio-Oss. L’association de ces deux biomatériaux permet de gagner 4mm d’os en moyenne.
Des membranes en collagène réticulé ont été proposées afin d’optimiser les propriétés de biodégradation des membranes en collagène. Ces membranes réticulées sont plus résistantes à la dégradation que les membranes non croisées. Associées au Bio-Oss, elles permettent une régénération osseuse histologiquement satisfaisante d’une qualité comparable à celle obtenue par la membrane en ePTFE. Leur point fort est qu’elles tolèrent bien les operculisations et le contact avec le milieu buccal.
Ces membranes ont des temps de résorption très différents pouvant varier de quelques semaines à quelques mois et ne réagissent pas de la même façon au niveau du site d’implantation. Les membranes résorbables dont les fibres sont réticulées se résorbent plus lentement que celles dont les fibres ne le sont pas. Par ailleurs, plus les membranes sont réticulées, plus elles seraient fragiles dans leur manipulation.
La différence entre les membranes résorbables et non résorbables réside dans la réaction tissulaire en cas d’exposition de membrane et la nécessité ou pas de greffon osseux.
Les études s’accordent sur le fait que l’utilisation de membranes résorbables nécessite l’interposition d’un matériau de comblement osseux.
Par ailleurs, les membranes non résorbables sont associées à un taux d’exposition et d’infection plus élevé (20 %) que celui des membranes résorbables qui représente 5 %.
À l’exception des membranes rigides, l’interposition d’un substitut osseux entre la membrane et le défaut osseux est nécessaire afin de :
L’os autogène était considéré comme le Gold Standard des greffes mais son utilisation est de moins en moins fréquente de par la morbidité du site receveur, au profit des substituts osseux avec des résultats comparables dans les procédures de régénération osseuse guidée.
Ces biomatériaux, dans le cadre d’une régénération osseuse guidée, sont utilisés pour contribuer au maintien de l’espace nécessaire à cette régénération osseuse. Ces biomatériaux de comblement peuvent être:
Les matériaux rencontrés fréquemment sont pour la plupart des biomatériaux avec des propriétés ostéo-inductrices d’origine animale (Bio- Oss) ou synthétiques (Bêta-TCP Phosphate Tricalcique ou Hydroxyapatite de formule chimique Ca5(PO4)3(OH).
Plusieurs facteurs orientent le choix de la technique de ROG appropriée afin d’en augmenter la prédictibilité. La ROG par l’utilisation de membranes est indiquée dans la reconstruction de tous les types de défauts osseux extractionnels mais ceux qui ne permettent pas le maintien d’un espace nécessitent l’apport d’un biomatériau supplémentaire.
La décision thérapeutique doit être prise en fonction des facteurs liés au patient, à l’anatomie du défaut osseux et des facteurs liés à la chirurgie.
Selon une revue systématique réalisée par Jensen et al., dans le cas de défaut de type déhiscence et fenestration : le meilleur protocole serait soit la greffe autogène avec ou sans membrane, l’utilisation d’un substitut osseux recouvert d’une membrane résorbable ou encore une membrane non résorbable sans greffon osseux.
L’augmentation horizontale de crête nécessite l’utilisation de bloc d’os autogène seul ou combiné à un substitut osseux avec ou sans membrane alors que l’augmentation verticale nécessite la greffe d’os autogène, en bloc ou sous forme de particules supportés par une membrane.
La régénération osseuse guidée permet de préserver le support osseux ou le régénérer afin de positionner l’implant dans des conditions optimales en adéquation avec la restauration prothétique sur le plan biologique, anatomique, biomécanique et esthétique.
Elle offre un élargissement net du champ d’application de l’implantologie et de nombreuses perspectives aux traitements implantaires.
Toutefois, elle peut être confrontée à différentes complications voire échecs.
Les complications potentielles sont principalement l’infection et le défaut de cicatrisation avec l’exposition de la membrane. Dans certains cas, la survie de l’implant peut être compromise.
La régénération osseuse guidée ROG découle des principes de cette régénération tissulaire guidée RTG.
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