Quand un traitement implantaire est planifié, la quantité et la qualité osseuse résiduelle, le type de prothèse, les impératifs esthétiques et les différents facteurs biomécaniques sont pris en considération pour le choix des dimensions optimales de l’implant : diamètre et longueur. Cependant dans certaines situations critiques, quand le volume osseux résiduel est insuffisant, l’utilisation des implants courts peut se révéler une alternative intéressante face aux techniques d’augmentation osseuse.
L’actuelle définition de ce qu’est un implant court est le fruit d’un long débat observable dans la litérature. Pour certains auteurs, les implants courts sont ceux de moins de 10 mm [1], tandis que d’autres parlent d’implants courts si ils ont une longueur <11 mm [8,9], <8 mm [10] ou <6 mm [11].
La 11ème conférence du Consensus Européen du 6 février 2016, sur les implants courts, angulés et à diamètre réduit définit les implants courts comme étant de longueur ≤ 8 mm et ≥ 3,75 mm de diamètre, les implants standards étant ceux de longueur > 8 mm et de diamètre ≥ 3,75 mm et les implants ultracourts de longueur <6 mm [6].
Dans de nombreuses situations cliniques, il est impossible de poser des implants dentaires car la hauteur verticale résiduelle de l’os est insuffisante. En effet, la hauteur osseuse disponible est mesurée entre le sommet de la crête édentée et l’obstacle anatomique sous-jacent : le sinus au maxillaire et le canal alvéolaire inférieur à la mandibule. En d’autres termes, tous les patients ne disposent pas d’un volume osseux suffisant pour recevoir des implants standards en raison de la perte osseuse verticale de la crête suite à la résorption osseuse post-extractionnelle ou à la pneumatisation des sinus maxillaires.
Le praticien se trouve donc confronté à un dilemme ; dans la région maxillaire postérieure en présence d’une hauteur osseuse sous-sinusienne comprise entre 5 et 7 mm et dans le secteur postérieur mandibulaire en présence d’une hauteur d’os résiduel comprise entre 7 et 8 mm. Pour ces cas particuliers, les techniques d’augmentation osseuse ; comblement sous-sinusien par voie crestale ou latérale, régénération osseuse guidée, greffe d’apposition peuvent être la solution. Cependant ces procédures chirurgicales posent trois problèmes principaux: le coût et la durée du traitement, la morbidité plus élevée du patient et des taux de réussite non nécessairement idéaux. De ce fait, les implants courts voire ultra-courts peuvent présenter une alternative fiable et peu invasive pour les arcades résorbées si la largeur de la crête alvéolaire est suffisante pour permettre l’utilisation efficace d’un implant de 3,75 mm de diamètre .
Les implants courts sont également utilisés pour supporter des prothèses amovibles en remplacement d’une ou plusieurs dents dans les secteurs antérieures [6].
Les implants courts sont utilisés dans les secteurs postérieurs en raison de leur importante résorption osseuse, car ces régions présentent une plus grande force de mastication. Lekholm et Zarb [12] ont établi une classification pour l’organisation du tissu osseux en quatre catégories avec différents degrés de densité. Certains auteurs ont suggéré d’éviter l’utilisation des implants courts dans les zones où l’os est de type IV (os trabéculaire fin) dans le maxillaire postérieur, en raison de la faible densité. Cela génère une surcharge masticatoire et augmente les taux d’échec par rapport à l’os de type II (corticale dense avec un os spongieux intermédiaire à l’intérieur) de la mandibule postérieure [7].
Les résultats de la revue systématique et de la méta-analyse menés par Tengfei Fan et al. en 2017 [3] ne suggèrent aucune différence entre les taux de survie des implants courts (5–8 mm) et des implants longs (> 8 mm). Ils montrent en revanche que les complications, le temps et les coûts des chirurgies des implants courts sont moins importants que ceux des implants longs.
Une étude retrospective à 5 ans a comparé les implants courts (6mm) aux implants standard (9mm) utilisés avec une augmentation osseuse verticale dans le secteur mandibulaire postérieur atrophié.
Quarante-cinq patients partiellement édentés ont été inclus dans l’étude et évalués après 5 ans: 22 patients (51 implants) dans le groupe d’augmentation osseuse et 23 patients (46 implants) dans le groupe implants courts.
Huit complications chirurgicales sont survenues dans le groupe d’augmentation et aucune dans le groupe implants courts.
Un implant court a échoué avant la mise en charge et un implant de longueur standard a échoué après 4 ans en raison d’une péri-implantite.
Une perte osseuse marginale moyenne de 1,61 ± 1,12 mm a été retrouvé dans le groupe d’augmentation contre 0,68 ± 0,68 mm dans le groupe implants courts [4].
En raison de l’amélioration de leur conception, des preuves scientifiques suggèrent que les implants courts (> 6 mais ≤8 mm) ont des taux de survie similaires aux implants standard (> 8 mm) [5].
Dans le rapport de la 11ème conférence du consensus européen, il est indiqué que cinq études ont rapporté des taux de survie de 16 à 18 mois pour les implants longs, associés à une élévation du sinus de 99,5% et à 99,0% pour les implants courts seuls. Pour des périodes d’observation plus courtes de 8 à 9 mois dans trois études, les taux de survie des implants longs étaient de 100% et ceux des implants courts à 98,2% [6].
Les implants courts présentent de nombreux avantages surtout en terme de confort pour le patient contrairement aux techniques d’augmentation osseuse qui peuvent être mal supportées par ce dernier :
Le succès du traitement implantaire est directement lié au processus d’ostéointégration qui est atteint grace à la surface de contact os-implant. Cette surface est déterminée par trois facteurs principaux : la longueur, le diamètre et l’état de surface de l’implant.
Il semble logique que plus un implant est long, plus la surface de contact os-implant augmente. Ainsi, l’augmentation du diamètre implantaire a été envisagée pour compenser la faible longueur des implants courts .
En 2012, une revue systématique a observé l’influence du diamètre sur le taux de survie implantaire. Parmi les 33 études incluses, 887 implants courts avec un diamètre inférieur à 4,8 mm et 700 avec un diamètre supérieur à 4,8 mm ont pu être identifiés. Aucune différence significative n’a été observée, avec des taux de survie à 5 ans de 98,9 % et 98,6 %, respectivement [17].
Les traitements de surface, notamment l’augmentation de la rugosité ont permis non seulement d’améliorer la surface de contact os-implant, mais d’augmenter les taux de survie implantaire, permettant d’envisager l’utilisation des implants courts avec une certaine confiance et fiabilité.
La porosité de la surface assure un meilleur contact entre l’os et l’implant, ce qui favorise le processus d’ostéointégration [7].
Les données à long terme pour des périodes d’observation de 10 ans pour la mandibule postérieure de patients partiellement édentés et de 20 ans pour les prothèses totales de la mandibule ont montré des résultats favorables pour les implants courts à surface poreuse frittée [6].
La réticence dans l’utilisation des implants courts a longtemps été liée à la croyance selon laquelle les implants longs permetteraient une meilleure dissipation des contraintes tout au long de leur surface. Ainsi, la présence d’une surface implantaire réduite serait à l’origine d’un stress biomécanique plus important.
Plusieurs études montrent qu’en réalité, lorsque l’implant est soumis à des charges importantes, les contraintes se concentrent principalement autour de son col, et que très peu de stress est transféré à la partie apicale. Par conséquent, l’augmentation de la longueur des implants ne semble pas jouer un rôle déterminant dans la distribution des contraintes.
En revanche, la répartition des contraintes exercées à l’interface os/implant lors de la mise en charge est différente selon le diamètre implantaire .
En effet, l’augmentation du diamètre implantaire permet une meilleure répartition biomécanique des forces occlusales et une meilleure stabilité primaire, ce qui pourrait se présenter comme un avantage dans des conditions de densité osseuse défavorables [14].
Le rapport couronne/implant (C/I) est le rapport entre la longueur de la restauration prothétique et la longueur de l’implant ostéointégré. Selon les recommandations proposées par Ante en 1926 pour la planification des restaurations prothétiques, la longueur « intra-osseuse » de la racine devrait être égale ou supérieure à la couronne clinique de la dent à remplacer. Cette notion a très vite privilégié l’utilisation des implants les plus longs possible afin d’optimiser le rapport couronne/implant.
En effet, dans des cas de secteurs postérieurs atrophiés, la mise en place d’implants courts conduit à l’obtention d’un rapport couronne/implant de 2/1.
La majorité des études ne démontrent pas de relation entre un ratio couronne/implant et la perte d’os marginal.
BLANES en 2009 a recherché dans quelle mesure le ratio couronne/implant influençait la survie et les complications pour les implants supportant des reconstructions prothétiques. Son analyse montre un taux de survie de 94,1% pour un C/I>2. L’échec serait d’ailleurs plus important pour un C/I<1. Pour lui il n’y pas d’influence de ce ratio sur la survie implantaire [15].
Même constat pour BIRDY et al., qui ne relève pas d’association entre le ratio couronne/implant et le niveau de contact os/implant [16].
Les auteurs démontrent que le C/I n’influence pas la survie des implants courts. La hauteur de l’implant ne doit donc pas être un frein à la reconstruction prothétique.
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Neuf études ont évalué les différences de longueur moyennes (mm) concernant la perte osseuse marginale autour des implants. L’analyse globale de ces études n’a montré aucune différence significative entre les implants courts et les implants standards.
Les taux de complication ont été rapportés par sept études prenant en compte d’éventuelles complications biologiques ou mécaniques. Bien que les taux de complications observés soient plus élevés pour les implants standards, la différence avec les implants courts n’est pas significative.
Les taux d’échec des prothèses ont été évalués par sept études. L’analyse a porté sur les défaillances de prothèses qui ne pouvaient pas être réparées ou qui avaient échoué avec l’implant. Ainsi, aucune différence significative n’a été observée en ce qui concerne les taux d’échec de la prothèse.
Certains auteurs ont formulé des recommandations sur la manière d’éviter les complications essentiellement biomécaniques :
La littérature montre qu’aujourd’hui il n’y a pas de différence significative entre les implants courts et les implants standards en terme de taux de survie, de perte osseuse marginale, d’échec de prothèse et de taux de complications.
Les implants courts représentent donc une alternative fiable et peu invasive aux techniques d’augmentation osseuse dans les conditions favorables.
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