Dans nos derniers articles, nous avons détaillé les deux principaux modes d’assemblage des prothèses fixées implanto-portées : la prothèse transvissée et la prothèse scellée. Aujourd’hui, nous allons aborder le sujet de la connexion implant pilier.
Sur le marché, il existe un large panel de connexions et de formes de piliers implantaires, et cela complique le choix pour le praticien. Ce choix représente l’une des étapes cruciales qui conditionnent la qualité, d’un point de vue esthétique mais aussi biomécanique, des réalisations prothétiques à long terme et donc le succès des implants.
Avant tout, il convient de définir ce qu’est un pilier.
Le pilier
C’est l’élément qui fait la liaison entre le milieu intérieur endo-osseux et la cavité buccale. Il est composé de deux parties : le col et la partie coronaire.
Le col du pilier (trans gingival)
Il correspond à la partie en contact direct avec la muqueuse péri-implantaire. Suivant le type de connexion, il peut se fixer à l’implant par l’intermédiaire d’une vis ou sans vis. Les caractéristiques de cette vis (sa taille, son diamètre, la forme de sa tête, son filetage, nombre de spires…) peuvent varier d’un système à l’autre.
La partie coronaire
C’est la partie qui fait la jonction avec la supra structure prothétique.
La connexion implantaire
Elle correspond à un emboitement entre une pièce mâle et une pièce femelle qui assure la jonction implant-pilier prothétique. Cette connexion est externe ou interne, passive ou active, et inclut ou non un système anti-rotationnel.`
Initialement, les connexions étaient classées en deux grandes catégories selon l’appartenance de l’élément mâle et femelle à l’implant ou au pilier.
On parlait alors de connexion externe ou interne.
Quand l’hexagone (partie mâle) appartient au pôle prothétique de l’implant et le pilier prothétique vient s’y encastrer (partie femelle), la connexion est dite externe.
C’est la plus ancienne des implants vissés car il s’agit de celle de l’implant « Branemark ». Elle est caractérisée par un plateau en forme d’hexagone qui surmonte le col de l’implant et qui vient s’emboîter dans le pilier et constitue le système anti-rotationnel de la connexion. La jonction pilier-implant se développe sur la surface de contact périphérique entre le pilier et l’implant.
Il s’agit d’un système de connexion passif avec l’hexagone du col implantaire.
Au centre de cet hexagone, il existe un pas de vis qui permet de solidariser l’implant et le pilier. La stabilité de la jonction du pilier avec l’implant est dépendante de la vis de transfixation, qui joue un rôle crucial dans le maintien de la connexion pilier-implant.
Elle est constituée d’un mode d’emboitement de type parallèle. L’assemblage des deux parties mâle et femelle ne peut se réaliser avec la partie femelle que s’il existe une tolérance car les parois ne sont pas strictement parallèles.
Cette tolérance est nécessaire mais elle est à l’origine d’un hiatus entre le pilier et l’implant qui crée des micro-mouvements pouvant engendrer le dévissage des pièces prothétiques et/ou la fracture de la vis de transfixation.
Un système à créneaux un peu différent de par sa conception a été récemment proposé (Sluzer Calcitek ou spline, Zimmerdental). Il est constitué de six digitations d’un millimètre de hauteur avec un chanfrein au bord coronal des créneaux. Cette configuration spéciale facilite la manipulation et limite les contraintes sur la vis et sur le col implantaire.
Une connexion est dite interne lorsque la partie femelle se situe au sein du corps de l’implant. Le pilier vient s’emboîter dans l’implant. Une vis maintient le système.
Au début de l’implantologie, ce n’était pas envisageable car l’épaisseur résiduelle des parois du corps de l’implant (< 0,5 mm) était jugée trop faible pour être compatible avec les propriétés mécaniques du titane de grade 1 ou 2. La connexion interne a pu être mise en œuvre grâce au développement de nouveaux biomatériaux en alliage de titane de grade 4 et 5 plus résistants mécaniquement. Il s’agit d’une évolution dans la volonté d’améliorer le système anti-rotationnel.
Sur le marché, il existe diverses formes géométriques de connexions internes qui diffèrent surtout par la forme du système anti-rotationnel.
Le plus courant est le système à hexagone interne mais il existe toutes sortes de polygones, voire des lobes ou lobules.
Cette connexion présente une forme d’hexagone interne. Ce type est plus simple que l’hexagone externe et facilite la manipulation prothétique. Toutefois l’intégration de cette géométrie hexagonale à l’intérieur de l’implant fragilise le col. La mise au point d’alliages de titane plus résistants a permis de pallier ce problème.
Le polygone interne est une évolution de l’hexagone interne. Il permet d’augmenter le nombre des positionnements des piliers selon un pas de 15° au lieu de 30° par augmentation du nombre de côtés.
Un clic audible et tactile peut être adjoint pour mieux se rendre compte de l’assise correcte et complète de la pièce prothétique.
Ces polygones permettent un positionnement facilité du pilier et empêchent sa rotation. Plus le nombre de faces du polygone est important, plus les possibilités de positionnements sont importantes et modulables.
Un système à créneauxest aussi proposé. Ici il ne s’agit plus d’un polygone qui vient s’insérer dans l’autre ; le pilier est pourvu de 6 digitations qui viennent s’encastrer dans l’implant, ce qui offre une stabilité encore
meilleure (Système Dentsply Friadent et Système Sluzer Calcitek).
Le cône morse a été développé en industrie pour remédier aux phénomènes de dévissage. Le principe du cône morse est fondé sur l’emboitement de deux cônes normalisés d’une conicité de 3 à 4°, dont la friction permet le verrouillage du système. On parle de « soudure à froid ».
La résistance de ce type de connexion est plus importante que la connexion à plat, et le risque de dévissage et/ou de fracture de la vis de transfixation est diminué d’une manière significative.
En implantologie, il s’agit de connexions internes coniques qui peuvent être :
Le pilier est impacté au sein de l’implant, seule la friction liée au cône morse permet de verrouiller le système. Il n’y a pas de vis donc le pilier est dit « plein » car il n’existe pas de pas de vis. C’est le cas du système « Leone » ou de l’implant « Axiom » de chez Anthogyr.
Le principal inconvénient des premiers cônes morse dits « cônes morses purs » est qu’ils ne sont pas munis de systèmes anti rotationnels. Il est donc difficile de gérer le repositionnement du pilier en bouche à l’identique de la position du modèle de travail.
Il y a donc nécessité d’utiliser une clé de repositionnement qui permet le transfert.Pour résoudre cette difficulté, on associe des polygones au cône morse. C’est ce que l’on appelle l’indexation.
C’est un système intermédiaire associant cône morse et polygone pour le repérage du positionnement. Dans ces systèmes, la conicité est plus importante et est supérieure à 4°. Cette augmentation rend la friction et donc la rétention du pilier plus faible d’où l’utilisation d’une vis qui renforce le maintien du système pilier/implant. C’est le cas du système « Ankylos» de Dentsply Sirona et du système « Axiom PX » d’Anthogyr.
C’est une connexion active. Le pilier est inséré en force dans l’implant, on obtient une pseudo-soudure à froid, même si la vis se desserre, le pilier reste en place. Cette connexion est précise, stable (antirotationnelle), on peut faire le reproche à cette connexion de ne pas maîtriser parfaitement l’insertion verticale.
Entre connexion externe et interne, il était moins grave d’avoir une fracture de vis avec la connexion externe, que d’avoir à gérer une fracture de col implantaire avec la connexion interne. Toutefois, l’utilisation de titane de grade 4 ou 5 évite, aujourd’hui, ce dernier phénomène.
Il existe une autre classification des connexions implant-pilier lié comportement mécanique : Nous parlons alors de connexion passive ou active.
C’est le cas de la majorité des systèmes implantaires. Cette connexion est définie par un léger espace entre les composants qui ne sont solidarisés que par une vis. La performance de ce type de connexion est conditionnée par sa géométrie mais aussi du jeu entre les pièces mâle et femelle.
Les connexions actives sont principalement représentées par la connexion cône morse. Le pilier, conique, vient s’insérer dans le corps de l’implant qui possède une conicité correspondante. La rétention est basée sur la friction du pilier dans l’implant. Donc, il n’existe pas d’espace entre les composants, les deux parties sont encastrées.
Dans ce type de connexion, le recours à la vis n’est pas obligatoire et dépend du système utilisé car le pilier peut être lui-même directement fileté pour se visser dans l’implant et gardera sa position grâce à la pression et la friction.
Certains systèmes n’utilisent même plus de pilier fileté mais un pilier conique de 1.5° qui est encastré par force dans l’implant. Ici seule la très forte conicité va permettre la rétention du pilier. (Exemple: système Bicon).
La grande variété de formes de cols implantaires, de piliers et des types de connexions proposés par les fabricants entraine un niveau élevé de difficultés cliniques liées à la réhabilitation prothétique sur implant. En effet, ces connexions peuvent être externes ou internes, actives ou passives avec des caractéristiques différentes pour chaque type.
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Nous avons souligné les différents types de connexions implantaires. Ces dernières sont répertoriées dans deux grandes familles selon leur morphologie : les connexions externes (qui sont apparues en premier historiquement) et les connexions internes.Une autre notion entre en jeu dans la classification des connexions : la notion de comportement mécanique, on parle alors de connexion active ou passive.Entre connexion externe, interne ou encore cône morse le choix peut s’avérer difficile.Dans cet article, nous allons détailler les critères d’une connexion idéale puis dresser une comparaison des trois principales familles de connexions implant-pilier.
Les caractéristiques principales d’une bonne connexion implant-pilier sont d’ordre esthétique, biologique et mécanique.
La solidité de la connexion est conditionnée par différents paramètres ;
La stabilité (absence de dévissage), la dureté du matériau permettant de limiter l’usure, sa rigidité (pas de déformation lors de la mise en place du pilier) et enfin sa résistance aux forces masticatoires une fois l’implant mis en charge (résistance au cisaillement, à la flexion et à la fatigue).
Le titane est le gold standard des matériaux utilisés pour les connexions implant-pilier. Par ailleurs, les piliers en zircone ont eux aussi prouvé leur efficacité dans ce type d’applications mais leur indication est limitée aux restaurations unitaires antérieures où les forces occlusales sont inférieures à leur limite de fracture.
Les connectiques implantaires soumises aux contraintes occlusales sont sujettes à des micro-mouvements, qu’il est important de réduire au maximum car ils risquent d’entraîner une détérioration ou un dévissage précoce des connections et à long terme causer une perte osseuse crestale et entraver la cicatrisation osseuse.
En outre, ces micro-mouvements sont responsables d’une ouverture du micro-hiatus associée à un phénomène d’abrasion avec libération de micro-particules (éventuelles sources d’irritation pour l’espace biologique et les tissus péri-implantaires).
Le titane est la référence en terme de biocompatibilité. Toutefois des piliers en céramique peuvent être indiqués pour les secteurs antérieurs pour des raisons esthétiques, car ceux en titane peuvent donner une teinte grisée à la gencive notamment dans les cas de gencive fine.
La connexion idéale doit offrir une bonne étanchéité, afin de limiter la colonisation bactérienne responsable de complications infectieuses.
Le micro gap (ou micro-hiatus) est l’espace qui existe au niveau des jonctions implantaires, il peut varier de 1 à 60 μm. Il se situe à l’interface entre le pilier et le col implantaire.
Les études scientifiques ont démontré l’existence au niveau ce micro gap d’une infiltration bactérienne anaérobie, notamment par des espèces responsables de péri-implantites.
Les connectiques implantaires doivent être mises en place d’une manière simple et rigoureuse par le praticien. De ce fait, le positionnement des piliers doit être reproductible et contrôlable si possible sans radiographie et avec le moins d’instruments possibles notamment au moyen d’un système d’indexation pour retrouver rapidement le positionnement du pilier.
En outre, la connexion doit permettre une prise d’empreinte aisée et rapide.
Elle doit également permettre de modifier l’axe prothétique par rapport à l’axe implantaire et être démontable afin de permettre une ré-intervention ultérieure.
Enfin, il est important d’avoir une adaptabilité aux différentes situations cliniques.
La connexion idéale doit permettre un rendu esthétique optimal et biomimétique. C’est ce qui justifie l’utilisation de matériau comme la zircone et le choix de certaines formes de connexion.
Tous les systèmes de connectiques implantaires présentent un micro-hiatus agrandi par les contraintes masticatoires subies sur les reconstitutions prothétiques implanto-portées.
Ces connectiques font que les forces sont mieux réparties au niveau de l’os alvéolaire, mais plus concentrées au niveau du pilier lui-même.
Les cône-morses répartissent ces contraintes sur une hauteur plus grande.
Les connectiques de type cône-morse modifié (cône de centrage) permettent grâce à une conicité moins marquée, de conserver une adaptation parfaite, passive, et étanche du pilier sur l’implant, tout en autorisant de travailler en zircone et en facilitant les essayages.
La friction augmente également la stabilité des cones morses.
Dans l’ensemble, les connexions internes et plus particulièrement de type conique semblent donner de meilleurs résultats, en permettant notamment un positionnement infra-osseux.
Le succès des thérapeutiques implantaires à long terme dépend de la qualité de l’acte chirurgical implantaire mais aussi de la qualité de la réalisation prothétique. Ce dernier critère est lié à la connexion implant-prothèse.
Aujourd’hui, la connexion interne prend le pas sur la connexion externe car ce type de connexion présente divers avantages. Il est plus facile à manipuler et surtout plus résistant mécaniquement. Ceci serait essentiellement due à l’augmentation de la surface de contact implant-pilier.
Le choix du système utilisé doit répondre à certains critères d’ordre biologique, esthétique et mécanique et doit permettre la maintenance à moyen et long terme de l’implant, et donc être le plus universel possible.
Néanmoins, retenons que la connectique parfaite n’existe pas ! Chaque fabricant propose son modèle mais c’est au praticien de prendre la meilleure décision !